Résumé
Pascal Jounier Trémelo est artiste plasticien. Suivant les techniques du moulage à base de plâtre, il nous révèle subtilement le patrimoine toujours existant entre l'art et la Nature.
NATURE ab intestat ; nous plonge dans l'une des recherches du sculpteur et nous montre comment le moule dans la pratique traditionnelle revêt une portée hautement symbolique : c'est lui qui donne naissance et vie à l'objet.
Note d'intention
L'une des pratiques artistiques de Pascal Jounier Trémelo est de créer des oeuvres à base de plâtre en prélevant des traces d'activités humaines dans la nature. Pour cela il met en place trois types de méthodes de production qui sont : la coulée, la prise d'empreinte et le relevé de traces par la construction de moule à pièce.
Lors d'entretiens il me confia un jour : Les creux sont des moules, la véritable matrice est le moule car c'est lui qui donne naissance et vie à l'objet. Pourtant dans cette mise au monde par le moulage, Gilbert Simondon* souligne la part d'invisibilité qui caractérise l'opération de création : « l'homme qui travaille prépare la médiation, mais ne l'accomplit pas ; c'est la médiation qui s'accomplit d'elle même après que les conditions ont été crées ; aussi, bien que l'homme soit très près de cette opération, il ne la connaît pas ; [...] »
S'appuyant sur cette énigme vivante, Pascal Jounier Trémelo témoigne sans relâche depuis de nombreuses années de l'intérêt pour cette 'opération à l'aveugle' en créant un répertoire d'oeuvres formelles autour de cette arcane indéfectible. Dans ce documentaire un axe central a dès lors guidé la réalisation : Comment faire émerger le moule comme oeuvre entière et vivante ? Comment démontrer audiovisuellement l'idée symbolique qu'il contient en restituant le lien particulier entre l'art et la nature ?
"NATURE ab intestat" a donc cherché à créer une vigueur et une souplesse d'esprit pour le spectateur et propose une lecture fine et intelligible des oeuvres de l'artiste en lien avec cette vérité spirituelle : toute activité pensante et créatrice recherche l'esprit dans la nature.
* Gilbert Simondon, du mode d'existence des objets techniques, Paris Aubier, 1958
Traitement audiovisuel
Qu'un film documentaire veuille montrer un artiste et ses recherches artistiques, il ne saurait nous émouvoir que si d'abord il sait faire vivre les images qu'il nous montre : L'art n'existe pas sans la vie.
Or l'illusion de la vie par le média audiovisuel ne s'obtient pas par une simple image filmée et restituée comme une étendue plate et satisfaisante du fait de son seul caractère esthétisant ; elle s'obtient par le pouvoir symbolique et sémantique qu'une image invoque et par son mouvement lié avec la succession des autres.
Il convenait dès lors dans ce documentaire de création de rendre les images filmées avec une profondeur d'esprit et une âme vivante tout comme les oeuvres sculpturales de l'artiste.
Comment et quelles idées se propagent à travers le film ?
Le documentaire invoque, tout comme le moule, un principe d'une étonnante fécondité et s'efforce de faire sentir à chaque image, quasi photographique, le poids symbolique et sémantique qu'elle comporte en lien avec la gravité et la profondeur du sujet. Ainsi la vérité des images au lieu d'être superficielle et agencée ici ou là pour faire avancer l'histoire semble s'épanouir avec la pensée du spectateur grâce à l'artiste et ses oeuvres.
Il y a dans ce documentaire une vigueur et une souplesse dans les images pour l'esprit du spectateur et car toute activité pensante recherche l'esprit dans la nature.
« Un beau paysage ne touche pas seulement par les sensations plus ou moins agréables qu'il procure, mais surtout par les idées qu'il éveille. Les lignes et les couleurs qu'on y observe n'émeuvent point en elles-mêmes, mais par le sens profond qu'on y attache. [...] C'est que l'artiste, qui déborde de sentiment, ne peut rien imaginer qui n'en soit doué comme lui-même. Dans toute la Nature, il soupçonne une grande conscience semblable à la sienne. Il n'est pas un organisme vivant, pas un objet inerte, pas un nuage au ciel, pas une pousse verdoyante dans la prairie qui ne lui confie le secret d'un pouvoir immense caché sous toute chose. Regardez les chefs d'oeuvres de l'art. Toute leur beauté vient de la pensée, de l'intention que leurs auteurs ont cru deviner dans l'Univers. »
Paul Gsell, Auguste Rodin l'art, entretien réunis par Paul Gsell, Paris, Bernard Grasset, 1911 |